Nous quittons la Russie pour son pays voisin : la Géorgie. Piotr est vigneron et nous accueille dans sa maison bleue lovée dans les collines géorgiennes. Après toutes ces épices et recettes, vos deux Trip’n Touille découvrent enfin le vin et le plaisir de la boisson !
Piotr cultive des cépages traditionnels dans la région de Kakheti : le Saperavi, vin noir et le Rkatsiteli, qui est l’un des cépages blancs les plus anciens au monde. Il les laisse évoluer 8 mois dans des amphores en terre gigantesques enterrées, que nous avons eu la chance d’ouvrir avec lui dans les règles de l’art. Piotr mélange aussi les fruits, les herbes de montagne et les citrons géorgiens pour créer Porto, Vermouth ou Limoncello que nous dégustons avec volupté et excès. Il loue également sa belle maison bleue pour les voyageurs qui souhaitent s’arrêter quelques jours à Sighnaghi, ville des amoureux.
Le vin géorgien ?
C’est une affaire d’hommes ! De la récolte à la macération du raisin en tonneaux jusqu’au repos du jus dans d’immenses amphores sous terre, il vaut mieux ne pas y faire travailler les femmes.On ne sait jamais… histoire de superstition. L’ouverture est une cérémonie : on se signe, on ouvre, on goûte, on trinque à Dieu qui offre cette nature riche et généreuse… le business ne vient qu’ensuite. À la vôtre !
Être Tamada : l’honneur d’un roi
Piotr nous présente le Maître du Chacha - eau de vie traditionnelle à 60°. Au fond de sa cabane, il distille avec patience les milliers de litres de moût de raisin de chaque famille de la bourgade. On dit qu’il est le meilleur, grâce à son alambic artisanal vieux de plus de 40 ans. En Géorgie, chaque famille cultive quelques vignes pour produire son vin et son Chacha. Et il en faut pour alimenter la consommation annuelle, parce qu’ici, on trinque souvent dans la tradition du Tamada que nous allons essayer de décoder pour vous.
Le Tamada est le chef d’orchestre du « Supra » (mot qui veut dire repas, table et toast). Il est désigné au début du dîner et a une place d’honneur à table. C’est lui qui donne le thème des sujets et le rythme où l’on boit. Son « Merry keeper » (assistant serveur) remplit les verres avant chaque Toast. Les sujets sont codifiés lors de repas officiels. On trinque pour la Paix, Dieu, les hôtes, les invités, les morts, les vivants, l’avenir… En petit comité les Toasts peuvent être plus personnels. Mais attention, contrairement à nos habitudes françaises, impossible de déguster son verre à son rythme après avoir trinqué. Ici, c’est « Bollomde » (cul sec). Si le Tamada vous désigne « Alaverdi » (membre d’honneur), vous attendrez qu’il porte son Toast, qu’il vide son verre, puis lui répondrez et boirez, avant de laisser les autres trinquer. Pour nous, cette tradition ressemble fort à un jeu à boire. Pour y jouer, il vous faudra quelques litres de Chacha ou de vin et des convives en nombre illimité. À la vôtre !
Les abeilles bossent et les hommes trinquent
L’été arrivé, il est temps de découvrir le travail abattu par ces demoiselles abeilles : quelques lacets serrés nous font arriver dans le début du petit Caucase où nous découvrons le lieu de villégiature de ces travailleuses. Cascades, montagnes et prairies pleines de graminées, mûriers, tilleuls et orchidées sauvages accueillent la ville des abeilles. Des dizaines de remorques colorées y sont parquées, avec des centaines de ruches bien rangées d’où des millions d’abeilles s’envolent chaque seconde pour concocter ce trésor doré tant convoité. Il y a sans doute plus d’habitants dans cette vallée qu’à Tokyo.
Nous y rencontrons deux joyeux retraités qui nous enseignent les traditions géorgiennes pour récolter le miel. C’est avant tout une fête où l’apiculteur se transforme en Tamada et lève son verre pour remercier mère nature. On trinque à coup de vin blanc, déguste le fameux pain cuit dans les fours ronds en terre et goûte ce miel lourd et sucré. Une fois tous les sujets abordés et une dizaine de Toasts éclusés, la matinée touche à sa fin et les têtes tournent. On s’installe donc pour un repos bien mérité. Qu’en est-il de la récolte du miel ? On verra demain si la météo le permet… Peut-être que ce sont cette joie de vivre et cette opulence qui ont donné les formes arrondies et dodues aux lettres de l’alphabet géorgien ?